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Vous avez déjà vu par exemple les interviews de Jean-Luc Mélenchon. C’est moins le leader du Front de Gauche qu’il faut alors regarder (et écouter) que ceux qui l’apostrophent. Voyez comment au bout de dix secondes, ces derniers, censés être la crème des journalistes/animateurs se transforment. Prenons le cas Jean-Michel Aphatie : le voilà se métamorphosant aussitôt en teigne, coupant la parole et – détendu, ironique, rictus aux lèvres – savourant son triomphe d’Aristocrate des Médias.
Tout se lit sur ses lèvres : «T’es que de la merde, petit Père du Peuple, tes arguments je les connais, tes trucs ne sont que de l’esbrouffe et du mensonge stalinien. Ouais, on t’a fait venir ici mais je t’avertis, si tu veux t’expliquer sache qu’avec moi, tu ne réussiras jamais à finir tes phrases».
Mais ce mardi, il n’était pas trop question de Jean-Michel Aphatie étonnamment discret ni de Jean-Luc Mélenchon mais de François Bayrou.
*
Là, déjà sur l’écran, remarquons le qualificatif attribué à Bayrou de «Challenger» qu’on n’accolera évidemment pas au leader du Front de Gauche (vous imaginez le scandale sur un encart télévisuel, type : «Mélenchon, le Challenger !» Non, impossible).
Lundi 12 mai 2014. ( Visionnage ici) Nous sommes donc au Grand Journal, assis en toute convivialité autour de la Grande table. Il y a Antoine De Caunes (1) et les deux grands éditocrates qui font les beaux jours du socialisme ou du libéralisme (au choix certes mais aujourd’hui, c’est la même chose) : Jean-Michel Aphatie et Hélène Jouan. Des «journalistes» qui, par ailleurs, ne cessent sérieusement, quotidiennement, de fustiger la politique-Spectacle, la dégradation du Politique, la Pensée Unique, qui s’honorent de défendre le faible, d’être la Voix des Non-Voix, de représenter l’Opinion publique etc etc.
Et tout à coup, arrivent les Twin Twin (2), trois garçons appelés par le Maître de Cérémonie (ben oui, parler Europe, ça va un moment mais dans la vie, faut aussi s’amuser, hein ?). Ils surgissent des coulisses, nus, sur le plateau de l’émission. Ça court autour de la table, ça embrasse, ça serre les mains et ça bringuebale, roupettes enserrées dans une chaussette aux couleurs du drapeau français. Manquent plus que le public debout entonne La Marseillaise. Justement, regardons-le ce «public» : il est chauffé par des Hommes qui font la claque, il applaudit à tout rompre. Hilarant. Hilarant, vous dis-je.
On regarde ça et on n’est pas loin de l’effarement. On vient de sauter sans transition dans l’Obscénité plein pot, on a la bile qui secrète de la bile, un goût âcre dans la gorge. Tout jaune, on devient. Et on se dit qu’on est seul dans la vie, que le lien démocratique est à l’agonie, qu’on ne peut pas, on ne peut pas, on ne peut pas être de ce monde, qu’on va mourir sur ces images et que c’est bien dégueulasse de mourir ainsi.
Et Bayrou, là-dedans ?
Il rit. Est-il obligé de rire ? Non, mais il rit. Est-il obligé de rester, de serrer les mains ? Non mais il reste, il serre les mains, notre François Bayrou. Il pose en bon camarade aux côtés de trois garçons, torses imberbes, pectoraux impeccables. Il ne cesse de rire, bien mis dans son costard gris. 2 à 3 millions de téléspectateurs regardent.
Bayrou, donc, il est bien là. On se souvient de son intervention (courageuse) contre les Médias (TF1) face à Claire Chazal et de sa «dénonciation» soft de TF1 en direct au JT d’alors. On attend donc qu’il en fasse autant, qu’il se lève tranquillement et dise :
«Ecoutez, je vous laisse, je ne désire pas assister à cette mascarade. Je suis un homme politique. J’ai accepté de venir ici, j’ai accepté le divertissement mais non, là, je ne désire pas être associé à tout cela. J’ai un certain sens de l’honneur politique et de l’accueil. Là, non, je ne peux pas».
Les Twin Twins auraient subitement bandé mou, Antoine de Caunes aurait perdu son humour de collégien, Jean-Mi et Hélène auraient été bien embêtés (surtout si les Réseaux Sociaux avaient repris l’image de leur bonne bouille). Mais non, Bayrou est là, il sourit toujours, il pose, il se laisse photographier, il est content, il finira l’émission assis, sourire (à peine crispé). Vous me dites qu’il y a eu un Bayrou pestant contre les Médias ? Ben, euh, je ne me rappelle plus.
Deux jours plus tard, des réseaux sociaux émergent d’autres images. Celle de la Une de Valeurs Actuelles et celles des couvertures accumulées de nos grands hebdos – du Point à Valeurs Actuelles – qui clament bla bla bla leur indépendance et leur objectivité. Solidarité des Images & même Dégoût.
Et alors… alors on ne devient pas tout jaune. Et on se dit qu’on n’est pas tout seul dans la vie, que le lien démocratique n’est pas forcément à l’agonie, qu’on est bien de ce monde, qu’on ne va pas mourir sur ces images et que, même si c’est dégueulasse de mourir, on aura quand-même le temps et l’honneur de leur foutre la honte (à défaut de leur foutre… sur la gueule).
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(1) Dans un tweet apparu sur mon écran, celui de Jean Benguigui, acteur. Il s’insurgeait contre l’humour du Grand Journal et se demandait ce que son ami, le «pauvre Antoine» De Caunes venait faire dans cette galère. Euh, Monsieur Benguigui, votre ami n’est pas «pauvre» du tout. Il a grandement sa part de responsabilité dans ce Grand Cirque du Dégoût. Il n’est pas une marionnette qu’on aurait manipulée, pas un pantin sans voix au chapitre. Il participe de A à Z à l’élaboration du journal, au choix des invités. Il suffisait de voir son éternel sourire de jeune premier à l’arrivée des Twin Twin.
(2) Trois jeunes et beaux garçons participants au Concours de l’Eurovision. Ils finiront derniers (victimes probablement de la méchanceté des pays européens). L’un d’eux fera le tour de la salle en déployant un drapeau français devant une salle goguenarde.
Tous les ans, ben oui tous les ans, je reçois un brave homme, naguère c’était une dame, qui vient voir si je n’ai pas maquillé ma déclaration. Il vient vérifier si je n’ai pas ce machin diabolique.
Ben non, j’ai pas la télé et tu écris — en langue des signes ;o) — que j’ai bien raison et que j’ai encore échappé à un épisode lamentable…
Bon c’est tombé sur Bayrou… Mais quid de n’importe quel apparatchik de gauche qui les aurait encensés ces « twins »? Le problème n’est pas là et depuis longtemps: Debord, comme plus tard Muray,ont bien montré que le spectacle était l’idéologie, qu’il recouvrait le politique sous son linceul médiatique . Bien au delà de la droite ou de la gauche politique. (Gramsci l’avait déjà pensé) Mais la gauche aujourd’hui est ce tutu médiatique qui cache la pire des oppressions: Se servir de la droite comme repoussoir, en faire l’image du fascisme, de la haine des immigrés, des homos, etc. Dans ce jeu la droite ne pense qu’au fric quand la gauche ne pense qu’en terme de pouvoir. Ce qui n’est pas mieux quand on aime la liberté. Je suis certain, hélas, que tu refuseras ce constat par fidélité à des images anciennes. Les intellectuels de 1968 ont été remplacés par les clowns médiatiques, qu’ils s’appellent Dieudonné, Apathie, Decaunes ou je ne sais qui. Ou bien BHL ou Finkielkraut. Débat de salon devant télé avec cacahouètes. Le degré zéro de l’intelligence et le point ultime de l’aliénation. Autant le savoir et penser par soi-même. Mais pas facile de sortir des habitudes, de changer SA vie, de se dire que le logiciel de sa jeunesse ne fonctionne plus… Et que PENSER librement est encore possible, qu’on peut créer, réinventer sa pensée, sa vie…
Mais tu restes un des rares bloggeurs intelligents sur le net, alors…
@NouvelHermès
Un (premier et succinct) commentaire sur ton commentaire.
« Émotionnellement », pour moi, c’est encore pire lorsque je vois des gens de « gauche » (ou tout simplement estimables) qui acceptent et participent à ce genre d’exhibition.
Cette présence en dit long sur le degré d’asservissement des intellectuels invités ( ayant acceptés de l’être), en dit long sur cette recherche (intentionnelle ou déniée) de gloire ( cette vermine écrivait Elias Canetti).
Mais l’espace individuel de refus existe.
Qui que l’on soit.
Bayrou (ou un autre), qui, quoi l’empêche de se lever et de dénoncer cette mascarade ?
Je te le demande mais je réponds : un certain degré de lâcheté.
Quant à ta vision de « LA » gauche, de « LA » droite, il y aurait à dire et à redire mon désaccord.
Et à dire et à redire aussi mes écarts avec la gauche ( y compris de la gauche de la gauche).
En particulier sur l’importance jamais analysée qu’elle donne aux interventions médiatiques et sur l’insuffisance de son analyse du champ journalistique et de ses transformations.
A ce titre je te renvoie à un billet-BiBi sur les « journalistes » et la critique que j’ai reprise d’Alain Accardo
http://www.pensezbibi.com/categories/pensees-politiques/les-autruches-tete-dans-le-sable-858
Eh bien, une fois n’est pas coutume, je suis entièrement avec ce billet, y compris sa seconde partie ! Vous auriez d’ailleurs pu noter, à charge de Valeurs actuelles, que leur titre de une est totalement imbécile : qui a déjà vu une mosquée (ou n’importe quel bâtiment, du reste) envahir quoi que ce soit. Que l’on parle d’une invasion des musulmans, je veux bien, mais une invasion de mosquées… c’est pousser la métonymie un peu loin !
Il fallait lire (ou plutôt deviner…) : je suis entièrement D’ACCORD avec ce billet…
@DidierGoux
Une « invasion » (!) des musulmans ?
Moi je ne veux pas bien.
Et vous délirez.
@Nouvel Hermès
Je m’interroge toujours (en naïf ?) sur la prolifération des critiques contre les Médias de la part d’hommes et de femmes de gauche (souvent justifiées) et sur leur silence dès qu’ils sont à l’antenne.
Je sais ce qu’on peut me répondre : qu’il vaut mieux passer à la télé plutôt que de rester dans le silence (ou en retrait). Voilà qui est très très très discutable.
Je me souviens des pics d’audience de Georges Marchais concomitants à la dégringolade de son Parti.
Si les partis de Gauche (dans leur ensemble) adhèrent à cette croyance non discutée, c’est surement par manque d’adhérents et de travail politique basique. Car comment peut-on croire qu’un leader passant à la télé soit si « important » ? Comment croire que son charisme puisse inverser la tendance ? Comment croire encore à ce « préjugé intellectualiste » qui veut qu’un message empreint de vérités révolutionnaires suffit à convaincre les citoyens.
Des questions naïves, donc. Mais hélas, à peine des questions pour le mouvement révolutionnaire.
Bibi, sur ces questions JC Michéa y a réfléchi en citant August Bebel(mort en 1913) : « Quand l’ennemi de classe accepte de me médiatiser, je me demande toujours quelle bourde j’ai encore bien pu commettre. »
@Robert Spire
Je ne connais pas ce Monsieur Michéa.
Mais ce n’est pas tant de ne pas être (ou d’être) médiatisé qui compte.
C’est plutôt cette ignorance persistante sur le sens du « filmer », du décor, du dispositif qui emprisonne tout invité.
Je crois que les seules interventions qui ont fait (partiellement) exploser les Directs, qui les ont dé-naturaliser sont celles – singulières – de Jean-Luc Godard et de Fabrice Luchini.
Peu importe Michéa, c’est la phrase de Bebel qui est significative. Le « dispositif qui emprisonne » dont tu parles fait que les médias montrent ce qu’ils veulent. Mais surtout ils invitent qui ils veulent. L’invité, même s’il s’appelle jean Luc Goddard ne pourra pas échapper à ce que le média veut montrer de lui et rendre inaudible sa pensée d’une part et d’autre part le fait de n’inviter que lui dirige l’opinion publique sur sa singularité faisant de lui un « chef de file » et donc de jeter un voile sur le travail d’autres personnalités plus révolutionnaires et dangereux pour le système. Les médias donnent l’illusion à l’invité comme aux spectateurs de la démocratie tout en « aristocratisant » une élite.
@Robert Spire
Oui, comme tu l’écris, ceux/celles qui ont un discours critique (politique/artistique) ne pourront échapper au Média qui aura toujours le dernier mot. Animateurs/Journaleux médiatiques/Editocrates/Experts ( qui ont le même discours de défense du Libéralisme) essayeront de rendre inaudible celui/celle qui pense autrement, c’est-à-dire celui ou celle qui dénonce la façade du pluralisme et qui éventre les mythes du débat démocratique.
Oui nous avons affaire à des Machines Dominantes. Celle des Médias TV est « formidable » de puissance mais vulnérable, elle est apparemment inexpugnable mais pourtant fragile.
Aujourd’hui, le Net (sans en glorifier la « neutralité » attaquée de toutes parts) apporte un peu d’eau à notre moulin anti-libéral. Il suffit de voir avec quelle violence et quel mépris les Experts médiatiques (BHL, FOG etc) traitent les Internautes participatifs, les Citoyens qui utilisent les rails d’Internet (qu’ils vouent aux gémonies).
Un exemple de 2005. Presse, TV,radios s’étaient mobilisés pour le Oui au référendum sur le projet de constitution européenne. Le populo avait répondu massivement Non même si, bien entendu, les élites politiques et les Grands Boss ont repris la main un peu plus tard.
Les personnalités révolutionnaires et dangereuses pour le système seront de toutes façons mises au rebut. Mais quoi ? Nul ne peut clore la lutte et se déclarer vainqueur définitif. Hier, on clamait la fin des idéologies pour sceller la Victoire. A voir la hargne des Dominants, ce n’est pas si définitif que ça.