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Depuis la naissance de mon blog, j’ai toujours aimé dresser des portraits des Puissants (peu de femmes là-dedans), portraits individuels qui, avec le recul… me posent question. Je me demande en effet si je n’oublie pas d’articuler la présence de ces Hommes de Pouvoir, de ces Grands Décideurs avec le réseau contraignant qui les enferme, qui les nourrit, qui les fait «être là où ils sont». Ne ferais-je pas assez attention à cette illusion tenace qui consiste à croire à la «toute puissance des intentions individuelles» ?
Prenons l’exemple récent de l’«ami» Poutine. Il gouvernerait selon son bon plaisir. Le voilà catégorisé et réduit à être Maitre tacticien ou Gourou du Mal. (Titre lu aujourd’hui : «Poutine reste maître du jeu»). On croirait ainsi que notre bonhomme dispose d’un pouvoir sans limites, qu’il suit ses propres intérêts qui seraient : l’appât du gain (ouh le vilain), la Volonté de Puissance (regardez ses yeux plissés, ses yeux de lynx, de bête sauvage prête à égorger quiconque se mettrait au travers de son chemin), la fierté millénaire de l’âme russe etc. Ce Poutine-là, descendant omnipotent des Tsars, agirait à sa guise selon son tempérament impétueux (voyez, il aime se faire prendre en photo sans ciller près d’une panthère). Bref, on veut nous faire croire que Poutine n’est pas obligé de prendre en compte (et de ménager) les intérêts des différentes forces mondiales, nationales, locales.
Je ne sais pas quelle serait la «bonne» analyse de la situation conflictuelle en Ukraine, en Crimée, je ne saurais dire quelle serait la plus juste des positions à défendre. Je sais que pour cela, il me faudrait reprendre l’histoire de l’URSS, de la perestroïka, de l’ère d’après-Eltsine, analyser l’actuel rapport des forces mondiales etc. Il me faudrait du temps pour travailler tout ça, pour mettre en perspective, du temps pour prendre du temps, du temps pour s’acharner à comprendre et pour enfin comprendre (un peu). Donnez-moi un mois et je pourrais peut-être en dire (un peu) quelque chose.
Je suis toujours sidéré de voir sur les réseaux sociaux la rapidité des Penseurs en 140 caractères (Twitter) à formuler des analyses au moindre mouvement de foule ukrainienne (dont, à part Kiev, j’étais incapable de trouver un autre nom de localité du pays), à répondre du tac au tac au moindre mot des dirigeants de l’Est ou de l’Ouest. Faisons un premier exercice de prudence méthodologique : essayons déjà d’écrire – sans nous tromper – les noms suivants : Arseni Iatseniouk (Premier ministre ukrainien) Ioulia Timochenko («l’opposante») ou celui de l’ex- «dictateur» Viktor Ianoukovitch avant de dire un premier mot, avant d’affirmer une position argumentée un tant soi peu sérieuse.
«C’est une erreur caractéristique du subjectivisme en sociologie que de surestimer, par abstraction idéalisante, les possibilités d’intervention ou d’innovation des agents, et de les créditer a priori d’une liberté d’action qui excède largement leurs véritables marges de manœuvre dans une situation donnée» écrivait à juste titre Alain Accardo. Toute aussi contre-productive, la position contraire («objectiviste») qui ne voudrait voir dans les agents sociaux que des marionnettes broyées par les «structures» capitalistes (ou autres). Vieilles fausses oppositions que nous héritons de la philosophie sociale qui sépare Individu/Société, microsociologie/macrosociologie etc.
Hé bien, voilà où j’en suis dans ma marche : à tenter d’analyser en prenant garde à ces deux pièges.
Je ne m’étonne pas dès lors de voir les analyses massivement subjectivistes se regrouper autour du Nom-tout-Puissant (et par extension, de duels politiques, amoureux aussi dont raffolent les Mediacrates). Des exemples ? «Poutine veut-il faire main basse sur l’Ukraine ?» «Poutine n’a pas intérêt à aller au conflit armé» mais aussi «Merkel hausse le ton contre Poutine» «Hollande sur le qui-vive» etc. En a-t-on entendu ces sortes d’analyses aux présupposés similaires fondés sur le Nom et ses dérivés psychologiques, voire psychanalytiques ! Exemples : le manque de charme de Hollande, ses rapports au Père, le sourire coincé de Merkel, les yeux perçants de Poutine, Berlusconi et ses implants, Ségolène et ses dents limées, les talons de Sarkozy, Rachida et ses robes de Dior etc. Contrefeux incessants qui cachent et couvrent l’essentiel : l’insupportable violence des rapports sociaux où ces mêmes Puissants dotées de forces beaucoup moins contraignantes que les «pauvres» et autres «nécessiteux» sont à la manœuvre.
Alors… ? Faudrait-il que BiBi cesse de stopper les portraits qu’il a pris l’habitude de faire ? (Exemples : celui de Montebourg dernièrement comme ceux d’Arnault, Dominique Desseigne, Pinault, Henri de Castries, Paul Desmarais, Guéant, le banquier Stern ou DSK précédemment etc) ?
Ah non, non et non, BiBi continuera toujours à jouer au féroce mais il tiendra à peinturlurer ces Puissants en tenant compte un peu plus de l’arrière-boutique qui les a mis en pleine lumière, qui les fait vivre politiquement et médiatiquement, en rappelant qu’ils restent les serviteurs de cette même arrière-boutique, arrière-boutique où règnent le pouvoir de l’argent et ses forces corruptives.
Bonjour BiBi. Stopper les portraits serait un peu comme si on murait une fenêtre en se privant de la lumière du jour.
J’adore l’exercice du portrait. D’ailleurs, par chez nous c’est celui de Patrick Buisson qui est à l »affiche.
Bonne journée à toi.
@lediazec
Ce billet, c’était juste pour (me) dire que le portrait recélait en lui des présupposés difficiles à contourner. On verserait vite dans la psychologisation du personnage ou encore dans le piège du Sujet libre propre à toute la tradition idéaliste.
Mais évidemment pas question de se défiler et de baisser les armes. C’est comme si on disait Vive les étapes de montagne et qu’on descendait de vélo pour abandonner au pied du Tourmalet. On n’est pas des dégonflés, hein ? 🙂
La psychologisation du personnage oublie un léger détail. Un très léger détail… Il peut arriver que le personnage soit doué de pensée. Exactement comme toi et moi. Et qu’il détermine lui aussi son action en fonction de sa pensée et de son idéologie. Les nombreux portraits du personnage Hollande m’amusent beaucoup qui semblent oublier ce léger détail.