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Le petit commentaire laudateur de Partageux sur Jean Guéhenno me ramena à cet écrivain qui commença à écrire ses Carnets de Vieil écrivain à 76 ans. J’ai alors entendu sa voix d’Outre-Tombe, une voix terriblement actuelle. Dialogue pas forcément imaginaire…
– Ah bon, BiBi, il vous arrive de vouloir écrire ? D’accord mais écoutez d’abord ceci : «A peine a-t-on commencé d’écrire qu’on risque de se perdre par la platitude ou l’éloquence, par le manque ou le trop d’esprit. Rien n’est difficile à trouver comme une certaine justesse, ce ton unique qui authentifie un livre. Une justesse par rapport à soi. Il s’agit de trouver sa propre voix, à soi seul, entre tous les hommes. C’est une longue et étrange bataille avec soi-même… Sachez, BiBi que les seuls livres qui vaillent et qui durent sont ceux dans lesquels, les lisant, le lecteur croit quelquefois entendre sa propre voix ».
– Mais Monsieur Jean, est-ce si simple ? On «croit entendre» écrivez-vous. Toute la question est là… Combien de livres qui m’appellent mais dans lesquels je ne me reconnais pas et qui pourtant m’attirent irrésistiblement ! De quel ordre est alors cette croyance ?… Souvent les livres les plus précieux ont été ceux qui m’ont résisté, des livres dont j’ai voulu percer le secret en lançant ma lecture à corps perdu. Avec des incompréhensions durables ou des merveilles de découvertes mais toujours après une lutte acharnée, dans cet intervalle entre bienfaisance et douleur…
– «L’écrivain compte sur son lecteur non seulement pour reconnaître mais pour achever sa pensée : tous deux sont dans la même insatisfaction, tous deux sont hantés par la même chimère : travailler à devenir eux-mêmes».
– Je vous rejoins, Monsieur Jean. Le cinéaste Abbas Kiarostami dit aussi un peu cela : «Le cinéaste fait un film à 50%. Pour que le film puisse être considéré comme un film, il y faut la participation du spectateur. En faisant les 50% qui restent, le spectateur finit le film». Le finir, c’est d’accord mais pour commencer un livre, pour l’entreprendre, que faut-il ?
– « Pour seulement commencer, il faut dès le départ, de la confiance en soi, pour continuer… il faut de l’entêtement ; pour gagner enfin, de l’amour-propre et du courage. C’est beaucoup d’audace que de prétendre affronter des lecteurs pas particulièrement indulgents… Il y faut une grande conviction intérieure, une sûreté un peu orgueilleuse».
– Mais de vos lecteurs, de ces figures anonymes, en attendez-vous la caution ?
– « Sachez, BiBi, que ce n’est pas votre seule personne qui est en cause quand vous publiez un livre. Ce qui est en cause, c’est tout l’effort que vous avez fait pour aller au-delà de vous-même, pour aller à la rencontre des autres et sentir et reconnaître la condition commune… Si vous ne sentez pas vivement vos raisons de vivre, quelles raisons aurez-vous d’écrire ?
– Mais les humains ne se demandent pas «pourquoi écrire ?» mais «pourquoi et comment vivre ?».
– « Bien sur mais il faut des mots, des images et il faut aussi un corps pour que s’élève toute voix humaine. Il faut cela et plus encore… il faut cette quatrième dimension : la raison de vivre. Et alors, si chacun le veut, si chacun le peut, on peut mettre en scène le monde avec des mots afin qu’il soit plus habitable».
– Chacun ? Il y en a certains qui feraient mieux de se taire et de ne plus écrire, les Cyniques, les Plastronneurs, les Donneurs de Leçons. Comme ils me fatiguent avec leurs plaintes de coucous, avec leurs lamentations monotones, avec leurs roulades de pseudo-rossignols… De vous, je retiendrai ce conseil judicieux, ce conseil si vrai, incontournable : «Si tu ne sens plus le mal des autres, écriviez-vous, si tu en as pris l’habitude, si tu ne souffres plus de l’injustice, alors tais-toi, tais-toi. Tu ne saurais plus rien dire qui vaille». Oh, oui, qu’ils se taisent ! Et prions, Monsieur Jean, prions – sans trop y croire – pour qu’ils la ferment et qu’ils la bouclent au moins un temps.
J’ai dévoré le Journal d’un homme de 40 ans. Un grand, à ne pas confondre avec avec Guaino..
Tiens, j’ai terminé mon dernier écrit sur les « plaintes de coucous » avec cette phrase de Guéhenno que tu m’as soufflée. « Si tu ne sens plus le mal des autres… »
Bibi, j’ajouterai que : « La vieillesse devrait brûler et se déchaîner à la tombée du jour;
Rager, rager contre la lumière qui meurt ».
Dylan Thomas
J’avoue avoir ici un moment confondu le monumental Guéhenno et le monumental Guilloux : ils étaient contemporains et fils de cordonniers de St-Brieuc en plus d’être amis (signataires d’ailleurs du brûlot antimilitariste paru en 1927 dans la revue Europe)…
Donc respect pour ces 2 VRAIS écrivains, dont les œuvres sont si utiles-et-belles qu’elles restent d’actualité !
Le hasard veut que j’ai été, quelques mois avant sa mort (en 1980), un des derniers visiteurs de Louis Guilloux : j’étais un jeune ex-parisien-ouvrier-poète s’installant à St-Brieuc, entre autres parce que la ville du vieillard! Il me reçu très cordialement, me disant de fortes « vérités premières » (jamais assez entendues!) du genre de celles que tu nous donnes, venant cette fois de Guéhenno… et merci du relais!
@Rem
Sur Louis Guilloux, je ne dirais rien. Je ne l’ai pas lu.(Pourquoi n’avons-nous pas plus d’une vie… de lecteurs ?).Tant de choses à découvrir.
Sur Guéhenno, je l’avais découvert en Terminale avec son journal des Années Noires puis bcp plus tard son « Changer la Vie ». Mais c’est ce dernier livre (« Carnets d’un vieil écrivain ») qui m’a fait impression. J’aime cette dimension d’autodidacte (ce que je suis un peu). Il y en a un autre qui – sur ses vieux jours – a écrit des trucs interessants sur l’âge, le vieillissement, la jeunesse de l’âme, c’est Jean Améry.
Merci de me suivre 🙂