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«Peut-on haïr un corps assoupi, plongé dans ses rêves ?» Ce soir, en fermant l’écran bleuté de mon ordinateur, au coeur de la nuit, yeux plissés, paupières lourdes, cette question m’est venue comme en rêve. Je me suis surpris à répondre que non, nous sommes bien incapables de le haïr ce corps, cette âme assoupie. Peut-être savons-nous confusément qu’il est interdit d’insulter ceux qui sont sans défense ? Que cela porte malheur…(même pour le matérialiste que je suis).
Les Poètes ont souvent célébré le réveil comme la Résurrection ou comme découverte de l’Amour (de la Vie, de l’Amant). Souvenons-nous de la Princesse au Bois Dormant, entre la Vie et la Mort, se réveillant sur un baiser.
Avec le Sentiment amoureux, les associations avec le Sommeil continuent d’être nombreuses. Dormir ensemble sert d’euphémisme pour dire faire l’amour. Le Sommeil est aussi lié à la paresse, à l’oisiveté, toutes choses encore combattues par notre Société libérale où le temps du sommeil – reconstitution de notre force de travail – serait du temps et de l’argent perdus. Dans le tableau des 7 péchés capitaux de Jérôme Bosch, la paresse est représentée par un homme qui dort.
Impossible de la haïr cette personne ensommeillée alors que, dans certains gestes de la vie diurne, cette même personne se révèle insupportable. Il/elle dort : nous voilà en recul, saisis devant ce corps devenu vulnérable, dépourvu de toute vigilance diurne, corps sans résistance, sans défense, sans les élans et pulsions vitales du jour.
Peut-être sentons-nous aussi à le regarder que nous avons tout pouvoir sur lui ? Que nous sommes vivants en ce Monde – alors que lui, serait plutôt dans l’Inconnu du Monde, dans le Non-Visible, dans l’antichambre peut-être de la Mort ? En Grèce, chez les Anciens dieux, Hypnos était le Dieu du Sommeil et Thanatos le Dieu de la Mort. Tous deux, frères jumeaux, étaient les fils de Nyx, la Nuit.
Dans l’histoire humaine, bien avant Freud et sa découverte, les songes pouvaient être l’œuvre des Démons ou bien être d’inspiration divine.
Au XIXème siècle, l’Art et la Science ont consacré le Sommeil : on étudie les rêves, on prend les cauchemars au sérieux, on est fasciné par le somnambulisme.
Au XXème siècle, Cocteau dessinera non seulement des amants qui dorment mais aussi Jean Giraudoux sur son lit de mort. Il écrira ce beau passage sur ce visage :
«Dieu qu’un visage est beau lorsque rien ne l’insulte / Le sommeil copiant la mort /L’embaume, le polit, le repeint, le resculpte/ Comme en Egypte ses dormeurs d’or » (J. Cocteau, Un ami dort)
Au XXI ème siècle, fascinés par nos écrans, par le son et l’image de la télévision, hébétés au cœur de nos nuits informatiques, nous tombons en léthargie devant le scintillement de nos ordinateurs, hagards devant nos machines éteintes, nous traînant alors misérablement au lit à la façon de misérables escargots désœuvrés.
Et au matin, c’est Georges Perec qui vient vous secouer :
«Ton réveil sonne, tu ne bouges absolument pas, tu restes dans ton lit, tu refermes les yeux. D’autres réveils se mettent à sonner dans les chambres voisines. Tu entends des bruits d’eau, des portes qui se ferment, des pas qui se précipitent dans les escaliers. La rue Saint-Honoré commence à s’emplir de bruits de voitures, crissement des pneus, passage des vitesses, brefs appels d’avertisseurs. Des volets claquent, les marchands relèvent leurs rideaux de fer.
Tu ne bouges pas. Tu ne bougeras pas. Un autre, un sosie, un double fantomatique et méticuleux fait, peut-être, à ta place, un à un, les gestes que tu ne fais plus : il se lève, se lave, se rase, se vêt, s’en va».
A cette allure de zombie, on peut penser qu’au XXII ème siècle, nous aurons oublié ces mots de l’Odyssée d’Homère: «Car le sommeil, ayant fermé leurs paupières, fait oublier à tous les hommes les biens et les maux». Futur temps d’un Sommeil sans rêves et de cauchemars à répétition.
*
Images : Le «Corps endormi»de Brodagum, «Femme endormie» de Johann-Baptist Reiter, «Le Sommeil flasque» de Dali, «La petite fille» de Courbet, Jean Giraudoux de Cocteau et «Enfant endormi» de Paul Anker.
Joli billet.
Chaque fois que je vois « La petite fille » de Courbet je superpose une image du « Dormeur du val » que je traine depuis l’adolescence. Ce tableau est d’une douceur « Tranquille » qui impose avec force la profonde injustice de ce monde.
Erratum. Je faisais allusion au tableau d’Albert Anker…Bien que dans le style de Courbet…
@Robert Spire
Albert Anker est un peintre hélas peu connu en France. Il y a eu il y a deux ans une exposition à Martigny (Suisse) sur ce peintre avec des tableaux prêtés par… C.Blocher ( qui est le Le Pen helvétique !)
Albert Anker est souvent présent dans les « mairies » des cantons avec son tableau » Le Secrétaire de Commune » (l’équivalent de notre « Marianne ») http://bit.ly/VbpdTD
A remarquer que la fille, qui s’est endormie au pied de cet arbre, veille au fagot (chauffage des pauvres) qu’elle a ramassé loin de sa « maison ». Un bien précieux…
Billet intéressant. Je viens de découvrir votre blog et j’apprécie plutôt bien 🙂 Bonne continuation.
@leroiprof
Merci et bienvenue dans la Galaxie-BiBi.
J’ai aussi une page FaceBook à l' »Entreprise » Pensez BiBi 🙂 et aussi un compte Twitter @pensezbibi.
Dans la Catégorie BiBi éducateur, il y a peut-être des choses qui pourraient intéresser le Roi Prof que tu es !
Du coup, comme à mon habitude, j’invite lecteurs et lectrices-BiBi d’aller jeter un oeil sur ton blog : http://www.leroiprof.fr/
Bonne lecture !