Petits blocs erratiques.

Joseph Conrad et Edward Hopper ont croisé ma route. Petite halte et dépôts des fardeaux. A leur départ, je suis resté songeur devant les 5 cadeaux du voyageur polonais et le tableau du Peintre américain salué par le magazine Télérama. Et si après cela, je tombe en dépression, voilà Yves Prigent le bon Docteur psychiatre (et poète à ses heures) qui me remontera le moral.

Cinq effets personnels de JOSEPH CONRAD (1).

«La pensée est la grande ennemie de la perfection. L’habitude de réfléchir profondément est, je suis obligé de le dire, la plus pernicieuse de toutes les habitudes prises par l’homme civilisé».

«Il doit y avoir, dans les mots, une merveilleuse puissance d’apaisement pour que tant d’hommes leur aient demandé de servir à leurs confessions». (Sous les yeux de l’Occident. I.)

«Nous sommes à la merci d’un mot malveillant. Un son, une vibration de l’air pénètrent quelquefois jusqu’au fond de notre âme». (Fortunes.II.Ch. I)

«Il se dégage de la page imprimée des journaux une sorte de silencieux vacarme qui retire aux hommes à la fois le pouvoir de la réflexion et la faculté des sentiments naturels et ne leur laisse que le besoin artificiel d’un passionnant sujet de conversation». (Notes sur la vie et les lettres).

«Cette vérité solide qui ne se rencontre ni dans la politique ni dans le journalisme». (Nostromo.II, ch.V.)

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Voyage en Dépression.

Et puis il y a Yves Prigent qui réfléchit sur l’Etat dépressif (2) et qui veut transmettre un élan vital à ceux qui s’embourbent, qui plongent, qui touchent le fond :

«Nous qui croyons aux Penseurs, aux Possédants du Savoir, respectons aussi les ambiguïtés, les incertitudes, les jeux d’ombre et de lumière, les images incertaines, les raisonnements un peu fous, les folies qui veulent se faire raisonnables, les pirouettes à double-face de l’esprit, les arlequinades de la pensée. Autorisons-nous mutuellement à ne pas être rigoureux, à retourner notre veste quand elle nous serre de trop près, à rire d’un côté et à pleurer de l’autre, à fréquenter l’église, le temple et la loge, à aimer le jour comme la nuit, la lune comme le soleil, à vivre debout, couché, assis et même sur la tête et sur les mains, à lire Freud sans être freudien, à entendre le Christ sans être chrétien, à philosopher sans être philosophe, à ne pas avoir les deux pieds dans le même panier, à ne pas être mis dans le même sac. Donnons-nous à nous-mêmes le droit d’être ailleurs que là où on nous attend, à ne pas répondre aux questions, à ne pas barrer les mentions inutiles – rien n’est inutile – à être tantôt-ci, tantôt-ça et puis çi et ça, à nous appuyer tantôt sur le froid raisonnable et solide, tantôt sur le chaud chantant et vivant, à être à l’école d’en face quand la nôtre devient scolaire, à l’église d’en face quand notre église devient ecclésiastique, à être intolérant par intolérance à l’intolérable».

Dans la boussole de notre histoire, les aiguilles parfois s’affolent – et c’est tant mieux.

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L’ART ne rend pas meilleur.

La semaine dernière, je recevais Télérama avec le tableau d’Edward Hopper en fière couverture. Me sont alors revenues les paroles de Varlam Chalamov dans sa Correspondance :

«Et cette tragédie la voici : comment des hommes, instruits pendant des générations par une littérature humaniste (de «bavards en liasse»),ont-ils pu aboutir avec un total succès à Kolyma [à Auschwitz…]? (…) Qu’il y ait parmi les «collaborateurs» du genre de notre télégraphiste, beaucoup d’amateurs de livres, de bouquinistes, de gens qui savent apprécier la bonne poésie indique de façon inquiétante mais réelle que l’art ne rend pas meilleur».

L’Allemagne du début XXème siècle fut une Nation inégalée, de très haute culture, les Allemands un Peuple du livre qui fréquentait assidûment les Universités parmi les plus renommées au Monde (comme celle de Weimar, la ville de Goethe). On oublie cependant qu’à 30 kilomètres de ce haut-lieu de culture et d’étude se trouvait le Camp de concentration de Buchenwald. Et ce qui (m’)étonne encore aujourd’hui, c’est de continuer plus que jamais à psalmodier et à susurrer des actes de foi ( souvent inconsidérés) en l’Art et la Culture.

«L’art ne rend pas meilleur». Cette parole forte est souvent trop vite mal comprise, elle est sujet à tous les malentendus. Je les vois arriver d’ici (paroles anti-intello : l’art et les artistes sont inutiles, pas besoin de ces bons-à-riens, art vendu, artistes fainéants et glandeurs etc). Reprenons quand-même cette parole forte – parole politique autant que principe d’éthique individuelle – et laissons-là entrer lentement, très lentement en nos pensées :  Oui, «l’art ne rend pas meilleur»

Ce qui pourrait par contre vous rendre meilleur (… aux yeux de BiBi), c’est que vous votiez massivement pour le BLOG A BIBI avant le 12 octobre et le fassiez élire meilleur blog Culture généraliste au grand Concours des Golden Blog Awards 2012 ! 🙂 

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(1) Joseph CONRAD. Paroles de Sagesse. Editions Maren Sell – Calmann-Lévy. 1993.

(2) Yves PRIGENT. L’expérience dépressive. Editions Desclée de Brouwer. 1997.

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