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Il n’y a pas si longtemps, j’ai terminé la lecture d’un petit livre de Stefan Zweig («La Confusion des Sentiments»). Replongeant dans les textes du même écrivain, me voilà aujourd’hui dans une de ses nouvelles «Le Voyage dans le passé» (chez Grasset). Jusque-là, je ne m’étais pas forcément intéressé aux écrits et au destin de l’écrivain juif allemand lorsque je me suis souvenu que Jacques Hassoun en avait parlé de façon émouvante dans la correspondance qu’il avait tenue avec Cécile Wajsbrot («L’histoire à la lettre» chez Mentha).
Hier – hasard de l’Histoire – en ce 16 juillet 2012, on a reparlé, 70 ans après, de cette «Opération Vent Printanier», nom de code qui désigna la Rafle du Vel d’Hiv. Un rappel : 9.000 hommes des Forces de l’Ordre de Vichy participèrent au cours des deux jours à l’arrestation de 12.884 juifs, étrangers ou d’origine étrangère. Dans cette abominable opération, la plupart des 4051 enfants pris dans la rafle étaient français. Regroupés sous la verrière du Vélodrome d’Hiver, ils furent ensuite conduits à Drancy, puis à Pithiviers ou Beaune-la-Rolande. A l’entrée de ce dernier camp de transit, le policier français méthodique avait écrit sur sa fiche le nom de l’enfant juif avec ce qualificatif : «Terroriste». Tous ces enfants furent gazés dès leur arrivée à Auschwitz.
Ce jour-là, dans son Journal, André Gide n’a pas un mot pour dire son horreur. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir continuaient de se rendre au Café de Flore. Ailleurs, dans le lointain Brésil, Stefan Zweig se désespèrait, lui, de la tournure de la guerre.
Cinq mois avant cette rafle du 16 juillet 1942, l’expatrié désespéré, perdu au Brésil, n’a pas attendu la fin de cette maudite guerre. Il se suicida en effet le 22 février 1942 en absorbant du poison. C’est en retraçant l’itinéraire d’exilé de l’écrivain que Jacques Hassoun écrivit en 1990 :
«Le 23 octobre 1931, Stefan Zweig était indigné par le silence du gouvernement autrichien lors des obsèques de Schnitzler que Freud considérait comme son égal dans la compréhension de l’inconscient et des lois de son fonctionnement. Le 2 novembre 1931, Stefan Zweig est désagréablement impressionné par la présence de la Heimwehr qui patrouillait dans les rues de Vienne et prévoit un nouveau putsch… L’idée de citoyenneté l’abandonne de plus en plus (…). L’Europe comme lieu, comme trésor de certains de ses signifiants était en voie de démolition. D’où ma question : y aura-t-il une Europe possible dans l’avenir sans que cette période ne soit travaillée, symbolisée, subjectivée dans chaque pays qui la compose ? Cette nouvelle Europe peut aussi bien détruire l’illusion démocratique et instaurer à nouveau, le délire nationaliste et raciste. Je suis décidément bien pessimiste. Le sort de Stefan Zweig m’obsède».
Pensant à tous ces exilés d’aujourd’hui, à ces expatriés abandonnés, à ces milliers de Stefan prisonniers, vilipendés, stigmatisés ou délaissés, me voilà, à mon tour, obsédé par cette simple phrase : «Le sort de tous ces Stefan Zweig m’obsède».
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