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Un jour, on y arrivera : le Libéralisme triomphant votera par décret l’immortalité de chaque homme et de chaque femme. Cela fera évidemment la Une du Figaro. En attendant cette Nouvelle, j’avais décidé de regarder le Grand Prix de l’Eurovision ce samedi. J’ai tenu bon jusqu’au dixième passage. Après, désolé, je n’en pouvais plus. Apathique donc… jusqu’au moment où sont apparues les bouleversantes chanteuses russes, les Buranovskie Babushki.
Les Buranovskie Babushki ? Six mamies venues de la campagne kazagh, costumes folkloriques aux couleurs chatoyantes. Petits pieds enserrés, elles se mirent derechef à danser une sorte de quadrige, chorégraphie modélisée, gestes à répétition bien étudiées mais on devinait la souplesse en moins (malgré la fluidité des caméras).
Et tout d’un coup, me revinrent ces mêmes couleurs orange sombre, rose foncé, noir, gris. J’avais vu ces couleurs ailleurs, sur un tableau. Oui, c’était ce tableau de Goya «Les Vieilles femmes», deux commères poudrées de la Cour d’Espagne. Les deux femmes assises, robe bleutée, robe noire, médisant sur la Beauté du Monde, sur les autres femmes, sur les intrigues en cour, sur la jeunesse, la jalousie.
Et une Pensée-BiBi s’ancra en moi – sans retour. Elle me devint obsession et fièvre soudaine de ce samedi soir. J’étais arrivé à cette sinistre et aveuglante conclusion que le passage télévisé de ces six vieilles dames virevoltantes était là pour cacher la putréfaction des corps à venir, le mien d’abord, les votres, les notres, les leurs.
Regardez le tableau de Goya et sa squelettique courtisane de gauche : une mort-vivante, peau sèche, yeux noircis exorbités. Regardez ensuite la sveltesse de notre vieille troupe incongrue, sur la scène de Bakou : leur image vient recouvrir le tableau de Goya et veut le faire oublier. Ou plutôt : on a voulu nous faire croire que l’image de l’approche de la Mort – trimballée de Bakou à Londres, de Stockholm à Buranovo via les milliers de Télés nationales – était celle, exclusive, d’un Corps en forme éternelle, on a voulu nous promettre une souplesse magique infinie. On a voulu nous faire croire que le Rêve d’immortalité deviendrait Réalité.
Et au cas où nous ne l’aurions pas compris en voyant nos Babushki danser, persuadons-nous que le Monde d’aujourd’hui est un Paradis à portée de main. Pour les jeunes, hein, on le savait déjà. La Jeunesse du Monde libéral est radieuse, comblée, enjouée, dansante, chantante mais ce qu’il faut surtout ici retenir tient du prodige (médiatico-économique) : le Temps de Bonheur que nous promet cette Euro-Vision est devenu aussi Réalité pour… nos Vieux et nos Vieilles.
Reste que malgré le foisonnement des couleurs et les lumières des projecteurs, les modèles de Goya et leurs yeux rougis s’imposaient à moi et me sussurraient : «Bientôt, BiBi ! Bientôt, ton tour».
Et la nuit passa. Et ce dimanche aussi.
Radio et télé matinales ouvertes, je captai sans le vouloir une interview de Jean-Louis Trintignant. Voix grave, profonde, profondément vivante : «J’ai un ami, disait l’acteur, qui a le même âge que moi. Il me dit souvent que si, les matins en me levant, je n’ai pas mal, je suis mort».
S’avança plus tard sur la scène de Cannes, Emmanuelle Riva. Voix touchante, maintien assuré. «Deux mois d’action !» lâcha t-elle en parlant du temps de tournage de ce film de Michaël Haneke («Amour» qui reçut la Palme).
Finalement en ces deux jours, je fis le tour de l’Humanité.
Et si le Diable avait été là, nul doute que pour m’endormir en ce Jour du Seigneur finissant, il aurait convoqué Jacques Brel et sa prose chantante qui me fit si grande impression lorsque j’étais encore enfant («Les Vieux»).
Et j’aurai entendu une fois encore cette imperturbable «pendule d’argent qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, et puis qui nous attend».
Bon t’es content? tu viens de me mettre le moral à zéro.
Allez, je vais aller prendre mes pilules pour le diabète et la prostate avant qu’alzheinmer me le fasse oublier
Même sentiment en voyant Monsieur Trintignant , (la jeunesse qui fou l’camps 🙁 et puis j’ai écouté « LE Poème » Le Prevert « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ? » Alors je me suis dit que dorénavant je mettrai tout en oeuvre pour vivre « heureuse » les 30 annèes qui me reste …si le ciel est Clement…………
@tebruc et @brun michelle
Il y a encore des niches où la vie se case provisoirement, des trous de souris par où la Vie passe et continue de passer.
« La vie prend de justesse le pas sur la Mort. Oui, de justesse. Tout est là » (Georges Haldas).
Il a un an j’avais déjà pondu deux trucs sur tout ça.
« Je suis vieux, pas nostalgique et je vous emmerde » 🙂
http://bit.ly/KyNT4T
http://bit.ly/m2xB9I
Poussière…
@pas perdus
… ou cendres 🙂
La putréfaction c’est pas la vieillesse, c’est la mort – qui nous attend tous, jeunes ou vieux. Or, tant qu’on vit, autant se faire plaisir… J’ai envie de dire que certains le trouvent en faisant les guignols à la télé et que d’autres regardent Eurovision, acte totalement vain, à moins d’y trouver de quoi se divertir ; ou de réfléchir dans ton cas. Pour autant est-il besoin de s’infliger ça ?! Je n’en aurais rien vu si tu n’avais pas posté cette vidéo, ce spectacle enchanteur de grands-mères qui chantent faux. Pour faire une métaphore : est-il vraiment nécessaire de se baisser et sentir l’odeur de la m… alors que l’on voit pertinemment que c’en est une ?
@Sophie.
Mais des actes vains, j’en fais des milliers par semaine. Comment y échapper (malgré soi)? Au fond, ces temps « perdus » me désolent mais il ont cet avantage de me faire jouir – a contrario – des moments forts. C’est ainsi… pour moi. Pour les autres, je ne sais pas.
S’infliger ça? Euh…
Disons que pour cette fois, je me suis dit : « Tiens, qu’est-ce qui peut intéresser la Gente Humaine, ce samedi soir? ».
Pourquoi alors ne pas regarder l’Eurovision qui intéresse 200 millions de mes semblables ? Pas rien, hein? Bon… bon, j’avoue qu’après dix passages, je suis passé à autre chose mais je ne regrette pas trop ce temps perdu qui m’en a appris sur comment se porte le Monde.
Je ne peux pas être d’accord avec toi pour dire que je me suis « baissé » pour voir ça. Car cela voudrait dire que je vois la vie de haut (de ma supposée supériorité). Or, mon plaisir (un peu pervers, je te l’accorde) c’est d’aimer la Vie et les humains qui la vivent comme moi, au niveau du sol.
Que l’on soit vieux débris dansants ou jeunes pousses s’époumonant devant micros.
L’Eurovision devrait être supprimé. Ceci étant la France demeure régulière dans les derniers rangs. Je crois que nous ferions mieux de nous abstenir plutôt que d’être ridicules…