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Un livre en quelques mots.
Signalé dans le Monde Diplomatique, le livre de Thierry Guilbert («L’«évidence» du Discours néo-libéral. Analyse dans la presse écrite». Editions du Croquant). L’auteur y écrit que «ce sont les acteurs et les journalistes qui font exister un « fait brut » en tant qu’évènement. L’évènement n’est donc pas un fait, mais la mise en mot de ce fait».
L’Autriche et le mot Nazisme.
Dans les conversations usuelles autrichiennes, on parle de «période» lorsqu’on parle de l’Anschluss (1938) ou du Nazisme qui a suivi. Doux euphémismes pour n’avoir pas à prononcer le mot de «nazisme». Le mot n’apparaît nulle part en Autriche sauf dans un texte de Peter Handke et dans nombre de ceux de l’écrivain Thomas Bernhard.
Cécile Wajsbrot séjourne en 1990 à Vienne et elle écrit à Jacques Hassoun : «Et devant ce silence généralisé – comme un cancer généralisé – on comprend l’acharnement de Thomas Bernard à répéter le mot que personne ne prononce («nazi»). Il y a un dialogue extraordinaire dans l’une de ses pièces («Claus Peymann s’achète un pantalon et va manger avec moi»). Peymann, Directeur du Burgtheater et Bernhard se retrouvent dans un café pour déjeuner. Qui est celui-là ? demande Peymann. Le vice-Chancelier ? Un nazi, répond Bernhard. Et le dialogue continue. Et lui ? Le Ministre de l’économie, un ancien nazi. Tout le monde y passe, le gouvernement, les directeurs de journaux, et celui-là ? C’est le Chancelier, un imbécile. Et lui ? Le Président nouvellement élu, un ancien nazi».
Le seul mot de «nazi » incrusté dans le texte de Bernhard suffit à en faire une bombe, surtout durant cette période aigüe (la pièce date de 1986) où le Président autrichien, Kurt Waldheim, cacha soigneusement sa participation à l’Ignominie. Grand Art chez Bernhard : un seul mot-pivot et l’Histoire ne marche plus sur la tête, retombant alors sur ses pieds.
Le Capitalisme linguistique.
Frédéric Kaplan, chercheur à Lausanne, a écrit un superbe article dans le dernier numéro du Monde Diplomatique («Quand les mots valent de l’Or»). Un article qui explique sa définition du «Capitalisme linguistique». On sait que la logique médiatique est plus que jamais dévoreuse de noms et de renoms à faire valoir (on s’arrache les Stars payées à prix d’or etc…). On sait que ces mêmes Médias ne sont que de vastes machines à traiter paroles, pensées et images comme des produits à vendre dans un grand marché linguistique.
Mais voila que Maître Google, lui, est arrivé et a construit son Marché via la spéculation sur les Mots et principalement via deux algorithmes : «l’un qui permet de trouver des pages répondant à certains mots, l’autre qui affecte à ces mots une valeur marchande». Ce dernier algorithme propose un système d’enchères (sur un mot-clé, sur le calcul du score de qualité de publicité et sur le calcul du rang) bien analysé par Frédéric Kaplan.
Dans cette Bourse aux Mots, tout est disséqué, pesé, analysé pour que le mot acheté soit le plus rentable possible. Spéculation sur les mots, développement des relations linguistiques intimes et durables avec un grand nombre d’utilisateurs, infléchissement et modélisation de la langue : voilà la tendance dans ce nouveau champ de bataille économique.
La démonstration de Kaplan est imparable. Elle n’emprunte pas les voies de la théorie du complot. Elle dessine en un billet très clair les règles de cette nouvelle et féroce compétition (Google a de nouveaux rivaux) où les «mots valent de l’or».
Les mots ont de la valeur… un poids politique, et finalement économique, Google rationalise pour en tirer un maximum de profits.
Thomas Bernhard, un écrivain lucide, non complaisant pour ses semblables, et trop peut-être pour lui-même?
@des pas perdus
Oui les mots sont des marchandises. Ils ont de la valeur (valeur d’usage, valeur d’échange) pour les Communicants du Nouveau Siècle. Reste Thomas Bernhard et quelques autres dont la langue, les mots de leur langue n’ont pas de prix.